Aucun texte ne peut en donner la méthode clé en main. Il faudra essayer, peut-être échouer, recommencer… mais nous défendons que, précisément parce que cela prendra du temps, il faut commencer dès maintenant ! Depuis son texte fondateur, Rejoignons-nous propose la même approche : (1) « Constituer des groupes de militants et militantes de divers horizons dans chaque ville, chaque arrondissement, où c’est possible, pour se rencontrer, discuter des perspectives abordées par ce texte et des enjeux de lutte au niveau local » ; (2) « Commencer à construire de manière coordonnée de nouveaux outils politiques, notamment des formations militantes » ; (3) « Initier un processus constituant de l’organisation politique ».

Nous avons commencé, avec des succès et des échecs, des avancées et des difficultés, à une échelle bien trop petite encore bien sûr, à nous rencontrer et à initier des débats et autoformations, aux niveaux local et national. Ces discussions ont conduit à créer aussi un espace et des temps de discussion plus suivis avec les organisations de la gauche révolutionnaire et démocratique qui se posent la question de leur dépassement. Nous pensons qu’il est temps de passer, ensemble, la vitesse supérieure et de commencer l’étape suivante, en préparant dès aujourd’hui les conditions du lancement d’un processus constituant en 2023.

À cet égard, nous avons des fils directeurs clairs. Nous savons, d’abord, ce qu’il ne faut pas faire : (1) construire une organisation politique à l’occasion d’élections, dans l’urgence d’une temporalité contrainte et dans un cadre institutionnel subi, à l’initiative de représentants et représentantes politiques déjà choisis, sans ancrage dans la vie sociale et militante quotidienne (comme cela a été le cas pour la FI) ; (2) construire une organisation politique par en haut, en partant exclusivement ou principalement de discussions entre militants et militantes habituées à l’exercice et cadres politiques de courants de partis politiques existants (comme cela a été lors de la création d’Ensemble et du NPA par exemple) ; (3) construire une organisation politique en faisant se succéder des « coups » médiatiques et militants, qu’il s’agisse de candidature aux élections ou de rapports instrumentaux aux mouvements sociaux. Au contraire, nous devons construire de manière continue, par en bas et démocratiquement, en œuvrant à la rencontre de nos collectifs et l’alliance de nos forces, au moyen de la mise en place d’assemblées locales politiquement et socialement pluralistes, de la mise en réseau d’initiatives militantes et de la mise en débat d’analyses et propositions, et bien sûr de la participation continue aux luttes sociales, solidarités concrètes et combats idéologiques – en affichant clairement, dès le départ, la perspective de la création d’une nouvelle organisation politique au niveau national (et au-delà…).

À cet égard, nous proposons à la discussion deux initiatives politiques qui pourraient être préparées dès maintenant et constituer des jalons d’un processus constituant permettant de construire démocratiquement une nouvelle organisation politique :

(A) En 2023, une assemblée populaire de la gauche alternative, démocratique, unitaire et révolutionnaire

Nous voulons nous rencontrer, échanger nos expériences, construire des transversalités entre nos luttes et initiatives, faire exister publiquement et de manière visible l’espace politique de la gauche démocratique, alternative et révolutionnaire que nous voulons organiser et élargir.

Pour cela, nous proposons de fixer, dès les prochaines semaines, une date en 2023 – il faut bien mettre en débat une première date : disons en septembre ! – pour une grande rencontre nationale préparée en amont dans les quartiers, les villes et les territoires. Cette préparation locale pourra être l’occasion d’initier, développer et structurer les rencontres entre militantes et militants de divers espaces politiques que nous voulons susciter et amplifier, en leur proposant d’élaborer un état des lieux des luttes et initiatives politiques au niveau local, un diagnostic des besoins sociaux et perspectives militantes spécifiques aux territoires, une cartographie des possibles et à partir de là des propositions d’actions à toutes les échelles. L’assemblée nationale (ou états généraux ou un autre terme à construire ensemble) sera aussi, bien sûr, l’occasion de faire le bilan de nos expériences politiques récentes et en cours, à toutes les échelles de la vie sociale et politique, d’échanger au sujet du renouvellement de nos pratiques militantes, de mettre en discussion des analyses et perspectives stratégiques, et d’affirmer publiquement, y compris si possible dans les médias grand public, nos différences avec la vieille gauche institutionnelle et la nouvelle culture politique que nous voulons promouvoir.
Il s’agit de reprendre, en l’élargissant, la proposition émise en 2022 par le NPA d’ « Assises de l’anticapitalisme », pour qu’elle puisse accueillir aussi les forces féministes, écologistes, antiracistes, antivalidistes, les mouvements des quartiers populaires et de l’immigration, les collectifs habitants, les militantes et militants ou collectifs syndicaux et associatifs qui ne se reconnaissent pas immédiatement dans l’identité anticapitaliste, tout en partageant une même approche démocratique, pluraliste et révolutionnaire de l’action politique. Le succès d’une telle rencontre, que nous pensons absolument nécessaire dans la période, pourra constituer une étape importante pour un processus constituant vers une nouvelle organisation politique.

(B) En 2024, une campagne sociale et politique de combat pour les élections européennes

Nous devons sortir de la double impasse militante de l’électoralisme et de l’amateurisme électoral, prendre au sérieux toutes les élections et chercher à en faire des occasions de politisation, d’émancipation et de construction politique pérenne. Les élections européennes ont, c’est vrai, peu d’enjeux institutionnels : ce n’est pas le Parlement européen, pour l’essentiel, qui décide des politiques européennes, mais plutôt les représentants et représentantes des États réunis ainsi que la Commission européenne mandatée par ces représentants et représentantes, à l’abri de tout contrôle démocratique. Et c’est vrai aussi que ces mêmes politiques européennes, quand elles existent, sont pour l’essentiel symboliques et peu suivies d’effet quand il s’agit des (rares) décisions favorables à notre camp, et au contraire contraignantes et efficaces quand il s’agit – c’est la logique qui a prédominé depuis le début de la construction européenne – de décisions favorables aux grandes entreprises capitalistes et à leurs alliés. Cependant, ces élections sont une occasion formidable d’autoformation et de politisation, puisqu’elles posent la question d’une alternative politique à toutes les échelles, du local au national. Elles sont aussi l’occasion de s’ouvrir à des débats, rencontres et coopérations avec la gauche radicale, anticapitaliste et anti-impérialiste en Europe, et de porter haut et fort la nécessité d’une révolution écologiste, féministe et antiraciste, et les exigences de démocratie, de solidarité et d’internationalisme notamment. Elles peuvent être l’occasion aussi d’éprouver notre capacité à élaborer des propositions programmatiques à partir du terrain, de prendre des décisions collectives vraiment démocratiques, et de coopérer avec d’autres organisations politiques et mouvements sociaux qui voudraient co-construire cette campagne.

En 2019, nos amies et amis du NPA avaient choisi, par défaut, de ne pas présenter de liste, de soutenir celles de Lutte ouvrière et de faire une campagne déconnectée des enjeux institutionnels au sein de l’Union européenne. Nos amis et amies d’Ensemble avaient continué de se diviser entre celles et ceux qui souhaitaient s’impliquer pleinement dans la campagne de la France Insoumise, celles et ceux qui voulaient exprimer un soutien critique et celles et ceux qui ne voulaient pas exprimer de préférence de vote. Et nos amis et amies d’Attac et des mouvements sociaux tournés vers l’international s’en étaient tenus, pour l’essentiel, à proposer des textes de décryptage et de positionnement politiques généraux. Quant aux mouvements sociaux antiracistes, écologistes et féministes en France, ils ne s’étaient pas emparés de cette occasion dans le cadre de leurs campagnes et stratégies d’action. Nous pensons qu’il est possible que l’espace politique que nous voulons organiser et élargir, celui de la gauche démocratique, alternative et révolutionnaire, s’implique beaucoup plus dans ces élections, et occupe le terrain politique de manière offensive.

Il est évident que nous aurons des points communs avec les forces de la NUPES, qui partiront très probablement en ordre dispersé, mais aussi des divergences importantes, concernant par exemple les modalités et les objectifs de la désobéissance/rupture/refondation avec les institutions européennes, la liberté de circulation et d’installation, les questions militaires et la critique de l’impérialisme français et des autres pays membres de l’Union européenne, qu’il faudra mettre en avant. Et puis, nous savons déjà que les partis de la NUPES feront ce qu’ils savent faire voire ont été créés pour faire : des campagnes électoralistes au détriment du travail de terrain et de la construction politique durable. Quant à nous, nous pourrons en profiter pour expérimenter des formes de processus démocratiques, élaborer des positions programmatiques en partant des situations locales et du militantisme de terrain, construire ou renforcer des liens avec des mouvements populaires et internationalistes dans d’autres pays européens, et montrer qu’un processus révolutionnaire anticapitaliste, écologiste, féministe, antiraciste est non seulement nécessaire, mais aussi crédible, et peut s’appuyer sur des propositions radicales et réalistes.

Vous êtes d’accord avec l’essentiel de nos analyses et propositions ? Rejoignons-nous  ! Mais peut-être pensez-vous que c’est trop difficile, ou préférez-vous vous en tenir à ce qui existe même si ce n’est ni suffisant ni prometteur, ou bien qu’il faut aller plus lentement ou plus rapidement, ou encore que vous avez déjà essayé, ou bien jamais essayé… que rien ne garantira que cela fonctionnera ?

À toutes et tous les camarades hésitantes et hésitants, qui ont déjà beaucoup ou jamais essayé de construire des organisations révolutionnaires dans leur vie, nous voulons dire qu’elles et ils ont toujours le droit précieux de (re)commencer ! À celles et ceux qui se demandent si cela vaut la peine puisqu’une révolution écologique, sociale et démocratique est hautement improbable, nous voulons dire qu’il est trop tard pour être pessimistes ! Et à elles et eux, et toutes celles et ceux qui se demandent si nous sommes vraiment des camarades, ou qui ont soif de justice, de démocratie et d’égalité, mais se demandent ce que ces mots peuvent encore vouloir dire aujourd’hui, nous disons aussi : rejoignons-nous !